Le promeneur de la presqu'île

Jean-Luc Nativelle

Petit véhicule

  • 8 janvier 2014

    Dans un village du Finistère, un homme fait sa balade chaque soir depuis vingt-cinq ans. Ce soir, il décide de la réaliser à l'envers.
    La promenade est propice à l'introspection et notre personnage s'interroge sur sa propre vie. Très vite, on comprend qu'un événement tragique est au coeur du livre. On apprend que l'existence du promeneur est marquée par la disparition de sa femme et la mort accidentelle de son fils.
    Avec "Le Promeneur de la presqu'île", Jean-Luc Nativelle ne nous invite pas dans une histoire inutilement sombre mais plutôt vers un éloge funèbre où tout le village prend la parole.

    L'événement fait rupture et l'environnement prend une nouvelle figure aux yeux du promeneur. Le paysage développe un lien intime et accorde davantage de valeur à l'événement tragique.
    La narration est subtile, nous entendons le point de vue des habitants au moment même où le promeneur passe devant chez eux. Le village est un lieu clos où les gens se connaissent tous et l'on apprend progressivement que tous sont concernés par ce tourment. Le drame dans la vie quotidienne d'une communauté.
    On déambule avec le promeneur, on écoute la multitude des "je", le personnage central devient la somme des regards que les autres portent sur lui, sur nous. Une prise de conscience progressive. La réalité perd ainsi son objectivité et disparaît dans l'infini tourbillon des pensées.
    Beaucoup d'intelligence et de finesse stylistiques dans ce très beau livre où l'on découvre que des liens nous attachent profondément en certains lieux et la phrase de Julien Gracq en exergue prend tout son sens "il arrive ainsi , il arrive plus d'une fois que, ce coeur, elle l'ait changé à sa manière, rien qu'en le soumettant tout neuf encore à son climat, à son paysage, en imposant à ses perspectives intimes comme à ses songeries le canevas de ses rues, de ses boulevards et de ses parcs."(in La Forme d'une ville).


  • Conseillé par
    3 mai 2013

    Antoine Desprez effectue sa promenade dans le village où il est venu habiter il y a vingt-cinq ans avec sa femme Michelle. Ce soir, contrairement aux autres jours, il décide de l'entreprendre dans le sens opposé. Cette cassure dans l'habitude est "comme un interdit, il ne respecte pas la règle qu'il avait établi depuis tant d'années". Une manière d'entreprendre une introspection. Tandis qu'il passe devant les maisons, leurs habitants nous livrent leurs points de vue sur ce qui s'est passé trois jours plus tôt.

    On devine très vite qu'Antoine est habité par la mort de son épouse. Comme un puzzle devant chaque maison où il passe, les habitants reviennent sur cet homme et sa famille, et les relations entretenues ou non avec eux car on apprend qu'il a un fils Julien. On avance à petits pas ne sachant pas exactement l'âge de Julien. Un lieu, une maison réveillent les souvenirs d'Antoine alors que les pensées des habitants oscillent entre pitié, compassion ou une forme de stupidité bête et méchante. Car on pressent qu'il y a autre chose de plus noir, plus sombre. L'accident qui a eu lieu trois jours auparavant est la noyade de Julien. Un jeune homme différent atteint d'un handicap mental depuis sa naissance. Au fil des pages, la vie d'antoine, de sa femme et de Julien se déroule. L'incompréhension, la culpabilité, les remords mais aussi des moments simples de bonheur apprivoisés nous sont dévoilés. On se prend des émotions comme des claques en plein figure quand l'on s'y attend le moins. La nature humaine nous saisit à la gorge par tous ses aspects. Je n'en dirai pas plus sur l'histoire...

    Mais j'ai trouvé que l'auteur jouait trop sur la code sensible et le mélo chargeant cet homme de strates de malheur un peu à la Olivier Adam. Pour faire parler son personnage, l'auteur a choisi de longues phrases où l'on peut se perdre par faute d'un manque de ponctuation. Il y a quelques maladresses également. Conduit à l'hôpital après le décès de son fils, on lui demande de remplir des papiers et de choisir les textes qui seront lus lors de la messe d'enterrement (dans mon souvenir, cette organisation religieuse est préparée à part avec le prêtre ou le curé). En quelques années, sa femme est foudroyée d'une cirrhose. Et là j'ai tiqué car il faut bien plus que quelques verres par jour pour passer directement à la case cancer (l'alcoolisme tue de façon plus insidieuse et plus complexe). Enfin, l'histoire se déroule dans un village d'une presqu'île bretonne comme le titre l'indique et à part l'évocation d'une cale, de rochers et d'une plage, il n'y a rien d'autre.
    Jean-Luc Nativelle a choisi de détailler certains points et d'autres moins laissant planer un certain flou.

    Je crois que l'auteur a voulu évoquer trop de thèmes dans ce livre et il aurait fallu soit en supprimer soit en faire un roman plus approfondi. Sans les défauts que j'ai évoqués, ce roman aurait gagné en force mais la sensibilité et les réflexions de cet homme m'ont touchée.